[skuld] Ad vitam aeternam -- à jamais

Coucou ^^
Voici une de mes nouvelles, Ad vitam aeternam (et oui, c'est du latin :] ).
Pour résumer un peu (pour avoir un avant-goût sans avoir à tout lire), le résumé officiel

>"Je suis jeune, je suis amoureux, tout semble aller bien. Et pourtant
cette image qui me poursuit,
cette sensation sur mon coeur, comme un
trou béant... Les apparences ne disent pas tout."

C'est du genre Romance/surnaturel.
(un peu dans le courant romantique pour ceux qui voient... nature amour et mort tragique...)

Bonne lecture ^^
Remarque: pour une mise en page plus propre, jetez un oeil là:
Ad vitam aeternam

Ad vitam aeternam


« Serres-moi dans tes bras , Julius . »

Toujours cette envie qui me tourmente depuis une éternité .
Elle hante mes jours et me poursuit dans mes rêves . Existe-t-il pire
châtiment ?
On m’a appelé Julius . En ce moment , c’est Thomas . En
prépa , je veux dire .

« Eh Thomas , tu viens manger ?
- Je peux mettre mes chaussures ?
- Tout juste . Dépêche-toi ,on a rendez-vous à et quart devant le self .
- J’arrive . »

Je suis , pour le moment du moins , dans une classe
préparatoire Bio . En internat de surcroît . Pourquoi ? C’est une question
qui me travaille . Je suppose que c’est parce que j’aime la biologie depuis
cette enfance . Mais je pense que ce n’est pas la seule raison .

Ce soir , c’est la soirée bio . Une sorte de soirée d’étudiants
réservée aux prépas bio . C’est le bon côté de la prépa , avec l’internat . On
est en permanence avec des gens qui partagent nos passions , nos centres
d’intérêt … Alors je ne pouvais la manquer .

Je ne le pouvais pas , hein ?

Il est vrai que je n’ai pas tellement d’assurance . Mais il
est également vrai que j’adore les soirée bio . Je m’y sens si bien ! Et
puis , il est impératif de se défouler après les cours , les khôles et les
contrôles . Histoire de penser à autre chose .

Et dire que d’autres hésitent à y aller !
Moi , je viens de me promettre d’y être .

Alors j’y serai . Et que passe vite cet après-midi avec les copains .

**

J’avance dans cette rue froide de Toulouse , excité , avec
déjà l’envie de danser avec ceux qui m’accompagnent . Je ne suis pas très
chaudement vêtu , mais dans la boîte ma chemise sera presque de trop . Et là ,
nous arrivons devant l’enseigne lumineuse . Nous rentrons sans trop de
problèmes , et nous rejoignons les autres qui attendent pour accéder à la piste
de danse . Je repère des amis , papote avec eux , puis nous pénétrons enfin
dans la salle .

En attendant les autres , qui arriveront avec l’alcool ,
nous bavardons . Mais entre deux phrases , je repère du coin de l’œil Alexandra
. Elle qui est plutôt naturelle d’ordinaire , elle s’est magnifiquement mise en
valeur , même sous la lumière tamisée de la salle . Je la regarde quelques
instants puis je détourne les yeux . Quelle importance ? Je ne l’aime pas
et elle ne m’aime pas , n’est-ce pas ? Puis arrive le gros de la classe
avec l’alcool . Nous nous pressons afin de boire le plus possible – vu qu’après
vingt minutes il ne reste plus rien . J’enchaîne les mélanges ( Vodka , Manzana
, Malibu ) et commence à ressentir les premiers effets . Sans plus attendre ,
je rejoins la piste de danse où nous commençons à bouger au rythme de la
musique . J’y perds la notion de temps , puis d’espace ; à la fin ,
je me contente de remuer au son des basses . Juste pour le plaisir . Et vient
le moment où je suis fatigué . Je m’assoie sur la banquette la plus proche , et
déjà des copains viennent me chercher pour que je danse . Une fois , puis deux
… La fatigue me tient .Alors je retourne dans la salle des alcools . Et , à un
moment , j’entends une musique douce qui remplace la techno . Et je vois
arriver Alexandra .

Elle semble chercher quelqu’un ; ma curiosité me pousse
à me demander qui . Et lorsqu’elle me regarde droit dans les yeux , je suis
troublé . Elle me prend par la main , et m’emmène danser un slow . Elle me
tient par la taille , et je la prends par les épaules . Nous oscillons ,
tournons , et à la longue , sans que je comprenne pourquoi , nous nous
rapprochons . Mais n’est-ce pas moi qui l’attire contre mon cœur ? La
musique menace de se finir , et j’aime tellement la serrer contre moi … Alors
je l’embrasse . Pour garder , au moins , le goût de ses lèvres sur les miennes
et la retenir contre moi un peu plus . Nous nous arrêtons de tourner , dans un
long baiser , et lorsque le slow suivant commence , elle me serre contre elle .
Nous restons , enlacés , prisonniers l’un de l’autre , prisonniers de nos cœurs
. Puis nous nous séparons et , gênés , nous nous fuyons du regard . N’est-ce
pas enfantin ? Et la soirée continue .

**

Comble d’ironie , c’est quand la soirée se termine que je la
revoie . Étant victime du désintérêt de mon pseudo-hébergeur d’une nuit ,
Alexandra propose de me loger . Ce que j’accepte . Et me voilà parti pour
dormir chez une femme que j’ai peur d’aimer .

Le trajet passe vite , à grand renfort de paroles vides d’intérêts
. Nous arrivons , et alors que nous nous préparons à dormir , elle se tourne
vers moi et me pose une question que je redoute .

« Thomas . Tu m’aimes ? dit-elle en me regardant de ses yeux brillants .
- … Moi , je suis amoureux de toi . Mais sais-tu qui je suis ? Aimes-tu quelqu’un que tu ne connais
pas ?
Elle est d’abord étonnée , puis me regarde tendrement .
- Thomas , dis-moi ce qui ne va pas .
- Ce qui ne va pas ? Je soupire . Je t’aime de tout mon cœur , Alexandra .

Je lui prends la main et la plaque contre mon ventre .

- Mais ce qui ne va pas , dis-je en pleurant , c’est que mon cœur , lui , est là .

Elle me regarde , quelques instants , puis réalise qu’elle
sent un flux et reflux , comme une respiration , sous sa main . Sauf qu’il
s’agit de sang et que c’est mon cœur .

Elle recule , horrifiée , et me regarde comme un monstre .
Ce qui me fait le plus mal , et ce qui arrive bien trop souvent .

- Qu’est-ce que tu ES ?
- Alexandra … Je suis le même qu’il y a deux minutes .
- Oh mon dieu !
- Attends , Alexandra . Tu veux bien m’écouter ? Ça risque d’être long , mais j’aimerai que tu
l’entendes .
- … Vas-y . Mais reste à l’écart .

Bon . C’est déjà un progrès , les autres ne m’avaient jamais
laissé finir .

« Écoutes. »
- Je ne suis pas Thomas . Mon nom est Julius . Je suis né dans la Rome Antique ,
en l’an 252 avant J.C. . Je n’étais pas fils d’empereur , mais je n’étais pas de la plèbe .
Mon père était un sénateur que le pouvoir et l’argent intéressait fortement . Moi , je ne
voulais qu’une chose ; me marier avec Claudia . Elle était fille d’une
autre riche famille , et était à peine plus jeune que moi . Nous nous voyions
tous les jours , à se tenir l’un près de l’autre , mais nous ne nous sommes
jamais embrassés . Le jour de mes 17 ans , je me suis juré de l’embrasser ,
puis de la demander en mariage . J’allai donc chez elle , le cœur plein
d’espoirs et d’angoisses . On m’a dit qu’elle m’attendait à la sortie de la
ville , dans un jardin public .J’y suis donc allé , et lorsque je l’ai vue , j’ai
failli en tomber à la renverse . Elle s’était faite magnifique -je soupçonne
mon confident d’avoir laissé passer mon intention de demande en mariage à une
des servantes de Claudia . Alors je me suis approché, je l’ai regardée droit
dans les yeux et j’ai ouvert la bouche . Il n’en est sorti que trois mots : je
t’aime . Et j’ai vu son visage sourire , malgré la larme qui coulait de son œil
. J’ai cette image dans la tête , cette fin d’après-midi , elle dans sa toge
blanche au milieu des fleurs jaunes , rouges et violettes , et cette larme qui
brillait comme une étoile . Et elle s’est approchée , comme pour m’enlacer ad
eternam . Mais ces hommes sont arrivés .Des gens de la plèbe , barbares et
haineux à cause de notre argent . Cet argent n’a pas pu la sauver !

Je me rendis compte que je pleurais à chaudes larmes ce
récit qui me faisait mal .

- Ils nous ont séparés avant
même que l’on ne se frôle , et ils l’ont tuée là , devant moi . L’un d’eux me
tenait alors qu’ils la poignardaient ! Je l’ai vue me lancer un dernier regard
suppliant , plein de douleurs , et elle est morte devant moi alors que je ne
pouvais rien faire !

Alexandra me regardait maintenant avec plus de compassion
que de peur , et elle s’est approchée et m’a prise dans ses bras pour me calmer
.Mais je ne pouvais pas . Il fallait que je finisse .

- Alors ils se sont tournés
vers moi , et , en riant de mes pleurs , ils m’ont enfoncé la lame pointue dans
le cœur . La froideur du métal m’a brûlé , et lorsqu’ils l’enfonçaient plus
loin , j’ai senti la vie sortir de mon cœur . Je ne voulais plus que rejoindre
ma Claudia . Mais même cela je ne l’ai jamais eu . Je suis mort , et quelques
heures plus tard , j’ai ouvert les yeux . Le poignard gisait à deux pas de moi
, et j’étais couvert de sang . Mon sang . Pourtant je bougeais encore , je
souffrais encore … Et lorsque j’ai senti ce grondement dans mes veines , j’ai
cherché à sentir ce cœur qui battait dans le vide . Mais je n’étais plus le
même . Mon cœur , depuis ce jour-là , c’est celui qui monte et qui s’abaisse ,
dans la droite de mon ventre , celui qui gronde et qui ne me laisse pas mourir.

- Thomas … Julius .Ça fait deux mille ans que tu ne meurs pas , que tu ne vieillis pas ?
- Je vieillis .Et je souffre.
- Mais tu as l’air jeune .
- Depuis deux mille ans , depuis que mon père a chassé le cadavre de son fils , je remplace les enfants
morts-nés en identifiant leur esprit au mien . Et mon corps suit . Je grandis ,
je me rapproche de ma vraie personnalité jusqu’à ce que je veuille recommencer.
Si je suis censé être mort , ou si je n’en peux plus .

- Qu’est-ce que tu cherches? Pourquoi restes-tu dans une vie ?
- … Pour mourir ? Pour aimer ? Un peu des deux , peut-être .Pour ne pas être seul .

Elle leva les yeux sur moi et me regarda dans les yeux .
- Je ne te laisserai pas seul. »
Une dernière goutte perla sur mon visage alors qu’elle
me serrait et qu’elle me disait , alors que nous nous endormions ainsi :
« Je t’aime , Julius . »

**

« Alors tu ne peux pas être blessé ?

- Pas au sens premier du terme .En fait , je cicatrise immédiatement .Regarde .
Je levais le couteau , et avant qu’elle n’ait pu faire le
moindre mouvement , je me l’enfonçais dans la poitrine .Quelques gouttes de
sang rouge perlèrent , puis lorsque je sortis l’arme , ma peau se matérialisa
dans le sillage d’une brume violacée qui se refermait sur la blessure .

- Touche mon cœur . Il ne cille même pas .

Je lui pris la main et la posait sur mon ventre . Elle
ressentait le grondement de mon sang sous ma peau et la respiration de mon cœur.

- C’est bizarre . Mais je t’aime quand même , dit-elle avec un magnifique sourire .
Je lui rendis son sourire et nous sortîmes dehors , pour
profiter du soleil du matin . Nous nous baladâmes dans Toulouse toute la
journée , s’arrêtant dans les squares , assis sur un banc , laissant couler le
temps , la main dans la main dans des espoirs de lendemain .

« Je suis si bien quand je suis avec toi , Alex .
- J’aurais envie que cette journée ne finisse pas , Julius .
- Ferme les yeux et fais un vœu .

Elle ferma les yeux , pencha la tête en arrière et soupira .
Lorsqu’elle me regarda à nouveau , il y avait tant d’amour dans son regard que
je ne doutais plus du sien . Et je l’aimais pour cela . Pour sa sincérité .

**

Alexandra


« Julius .J’ai envie de vivre toute ma vie avec toi , dis-je .
Il me regarda profondément , et , comme si cela lui brisait le cœur , il me répondit .
- C’est impossible , Alexandra .C’est trop dangereux .
Je le regardais , trop surprise pour parler . Puis mon incompréhension prit le dessus .
- Quoi ? Julius , je te comprends , je t’aime , et je ne peux plus concevoir ma vie sans ta présence .
Ne m’aimes-tu pas ?
- Bien sûr que si , Alexandra .
- Alors quoi ?Tu as peur de vivre avec moi ?
- J’ai peur pour toi . Écoute , rien ne me ferait plus plaisir que de vivre à tes côtés …
- Mais quoi ?Qu’est-ce qui est trop dangereux ?
- Moi , Alex .Je suis dangereux pour toi .
- Pourquoi ?
Ma tête tournait , rien n’avait plus de sens . Ou plutôt ,
plus qu’un sens : je voulais vivre avec lui , quel que soit le risque .
Mon cœur battait la chamade , mes mains se crispaient alors
que j’essayais de le convaincre .

- Alexandra , regarde-moi . Imagine ce qui nous arriverait si les gens se doutaient de ce que je suis .
- Mais j’ai bien compris , moi !
- Douce Alex , tu es la seule
en plus de deux mille ans à m’avoir écouté . J’ai été pourchassé , traqué comme
une bête , haï à cause de ma différence . Je ne veux pas que tu en souffres .
- Alors c’est tout ? criais-je , en pleurs . Tu vas me laisser seule , là , quand tu seras satisfait?
- Non , Alex .Je resterai avec toi le temps d’un amour .Puis je devrais partir .
- Je ne veux pas d’une histoire avec toi .Je veux que tu fasses partie de moi .

Il ferma les yeux , et lorsqu’il les rouvrit , je vis quelques gouttes couler sur son visage .
- Je ne pourrais pas te voir mourir . J’en suis incapable . Excuse-moi . »

Il s’éloigna à reculons de quelques pas , puis il retourna et partit en courant
dans les allées vertes du square de la place Wilson . Des larmes , sur son
passage , volaient dans les airs , étincelantes , comme en apesanteur , avant
d’éclater sur le sol .

Je ne parvins à dire qu’un mot étouffé pendant qu’il s’en
allait .

« Julius … »

Alors que je commençais à pleurer dans mes mains ,
j’entendis un bruit de feuilles derrière moi . Lorsque je fus retournée , je
vis Kévin , mon ex-petit-ami , sortir d’un bosquet .

Une arme à la main .


« Alors Alex , toujours aussi débauchée ! Tu m’as trompé , encore ! Mais cette fois-ci tu vas payer .
- Kévin , ne fais rien d’irréfléchi s’il te plaît .Pose cette arme et nous discuterons .
- Non , Alex .C’est la dernière fois que tu me trompes .
- Non ! criais-je en le voyant pointer son pistolet .

**

Julius


Un cri . Au loin . Et je sus immédiatement que c’était
Alexandra . Je cours . De loin , j’aperçois un homme avec un pistolet qui la vise .
Je n’ai pas le temps de réfléchir .Je suis peut-être plus
rapide que les humains , mais il me faut une arme . Je vois un policier un peu
derrière moi qui n’arrivera pas à temps .
Je lui ôte son pistolet de la bandouillère et je cours ,
vers elle , comme je n’ai jamais couru . Parce que , quoi qu’il arrive , même
si elle est en danger , je ne pourrais jamais rester loin d’elle . Quelle
idiotie !Mais si j’étais humain , ce serait tellement plus simple .

J’approche , je lève le canon et je vise .
J’entrevois Claudia un instant avant qu’elle ne meure . Son regard .
Mais maintenant c’est Alexandra que je vois . Son visage .

Je saute devant elle et je tire .

**

Alexandra

Deux coups de feu .Je crie , parce que j’ai peur .Puis deux
corps s’effondrent , alors je hurle de désespoir .
Julius gît , à mes pieds , blessé à la poitrine , alors que
Kévin est tombé , mort , à quelques pas . Je me précipite sur Julius , essayant
maladroitement de le soulager , de calmer sa douleur , de la rassurer .
- Julius , n’aie pas peur , tu vas t’en sortir . Tu ne peux pas mourir , tu le sais ?
Julius , réponds-moi . Parle-moi ! lui dis-je , à la limite de l’hystérie .
- … Alexandra .Excuse-moi .Je t’aime .
- Tais-toi et guéris , s’il te plaît .Julius .

Il expira , et ses yeux se fermèrent .Prise de peur , je lui
pris le bras .Le grondement de son sang s’atténua sous mes doigts , puis
disparut .En pleurant , je mis la main sur son ventre pour sentir son cœur se
gonfler une dernière fois puis s’arrêter.

C’est son cœur qui ne voulait pas le laisser mourir .
Alors je me penchais sur son corps , et , le visage sur son torse , je me mis à pleurer , n’entendant plus
que le bruit de mes sanglots .

**

Le vent souffla sur les deux corps , un vent d’automne ,
alors qu’une feuille tomba près d’une des mains de Julius . Celle-ci était
relâchée , et des changements chimiques s’opéraient dans toutes ces cellules .

Puis un doigt bougea .
Car ce qu’Alexandra n’avait pas entendu , ce n’était pas le
grondement sourd ni la respiration d’un cœur .

C’était un battement .